C’est un déséquilibre au niveau du contenu ruminal,
avec une accumulation d’acides organiques (notamment des acides gras
volatiles), issus de la fermentation par les microorganismes de la panse, de
glucides rapidement fermentescibles ingérés en grande quantité qui vont être à l’origine d’une diminution du pH
ruminal en dessous des valeurs
usuelles (5,6 à 6,5)
Les dysfonctionnements d’ordre
digestif, dont l’acidose ruminale, représentent la deuxième
cause de morbidité et de mortalité
chez les jeunes bovins de boucherie, après les pathologies
respiratoires
Étiologie
Cette acidose apparait généralement
lorsque la ration distribuée est inappropriée, avec trop de concentrés et trop
peu de fourrages, ce qui limite la mastication et la production de salive à
pouvoir tampon, et lors de transitions alimentaires mal gérées .
Ces variations de pH sont à
l’origine de modifications de la flore ruminale.
Avec un pH inférieur à 6, la croissance de
Streptococcus bovis, bactérie amylolytique productrice d’acide lactique et
principal agent du développement d’acidose latente, est favorisée, au détriment
des bactéries cellulolytiques. Cependant, les coques à Gram négatif fermentant
l’acide lactique, restent actifs si le pH ne diminue pas en dessous de 5, d’où
une limitation de la chute de pH par transformation de l’acide lactique produit
en acide propionique, et donc une inhibition dudéveloppement des lactobacilles
puisque le pH n’est pas assez faible.
Les protozoaires sont aussi
touchés par la diminution du pH ruminal, mais ils ne disparaissent pas
totalement étantdonné que certaines espèces peuvent survivre à de tels pH .
Dans le cas ou Le pH diminue
alors très fortement et rapidement,atteignant des valeurs inférieures à 5.
L’impact sur la flore ruminale
est alors très marqué, avec rapidement une destruction des
protozoaires et des bactéries à
Gram négatif, d’où une libération massive de lipopolysaccharides (LPS),
endotoxine diffusant dans le sang. Les lactobacilles productrices
de lactates vont proliférer,
alors que les bactéries capables de transformer l’acide lactique en
acide propionique vont se faire
rares, d’où une diminution du pH amplifiée, entrainant
fréquemment la mort de l’animal .
Les différentes formes d’acidose
· L’acidose
aigüe
L’acidose aiguë est rare et
survient en général suite à une ingestion brutale d’une grande
quantité de concentrés, ce qui
est le cas par exemple lorsqu’un animal s’échappe et parvient
au lieu de stockage des
concentrés.
Dans les premières heures suivant
l’ingestion des concentrés, l’animal est rapidement en état
de choc suite à la diffusion de
bactéries et d’endotoxines dans le sang. On observe alors une
perte d’appétit et des mouvements
incontrôlés. Les fréquences cardiaque et respiratoire sont
augmentées et une distension de
la partie inférieure du flanc gauche est visible. La rumination
cesse et une météorisation se met
en place. L’animal se déshydrate par le passage d’eau dans
le rumen et une diarrhée d’odeur
fétide apparait. Une acidose métabolique peut faire suite à
l’acidose ruminale dès lors
qu’une grande partie d’acide lactique passe dans le sang. Dans les
cas sévères l’animal est alors
assez vite en décubitus, puis dans le coma et peut mourir
rapidement sans traitement. Si
l’animal survit, des complications peuvent survenir, telles que
des fourbures, des abcès
hépatiques, ou encore des problèmes d’absorption digestive
récurrents suite à l’installation
d’une ruminite et d’une éventuelle parakératose des papilles
· L’acidose
chronique
L’acidose latente (ou subaiguë,
ou chronique) est la forme la plus répandue. Elle résulte d’un
déséquilibre quasi permanent
entre une production élevée d’acides gras volatiles et un faible
apport de tampon salivaire. Liée
à une chute de pH est moindre par
rapport à l’acidose aiguë.
Dans un premier temps, la
modification de la flore ruminale entraine bien entendu des
problèmes de digestion des
aliments ingérés. Le pH très acide va avoir une action irritante sur
l’épithélium ruminal, voir même
entrainer le développement de parakératose. L’atteinte de
l’intégrité des papilles
ruminales est à l’origine d’un défaut d’absorption des nutriments, d’où
la diminution des apports à
l’organisme. Un défaut d’absorption des acides gras volatiles est
quant à lui responsable d’une
perturbation du fonctionnement du système de régulation du pH
ruminal, d’où une persistance de
l’état d’acidose.
La survenue d’acidose ruminale
inhibe la motricité ruminale, ce qui provoque une stase des
aliments, et des difficultés à
éructer, d’où l’observation de distension réticulo-ruminale et de
météorisation chez les animaux
atteints d’acidose .
D’autre part, l’impossibilité
d’utilisation de tous les acides gras volatiles présents dans le
rumen va initier une augmentation
de la pression osmotique intra-ruminale. Il en découle un
afflux d’eau dans le rumen qui
sera à l’origine d’une déshydratation des tissus et de diarrhée.
Dans le cadre d’acidose latente,
on observe rarement une réelle diarrhée mais plutôt des
bouses plus molles d’odeur
aigrelette .
La ruminite induite par l’acidose
ruminale provoque une augmentation de la perméabilité de
la paroi qui va avoir des
conséquences cliniques extra-digestives. Il en résulte un passage
possible des toxines issues de la
dégradation des bactéries (les lipopolysaccharides), et de
bactéries, dans le torrent
sanguin. La présence d’endotoxines dans le sang va stimuler la
libération d’un grand nombre de
facteurs de l’inflammation, comme par exemple de
l’histamine, ayant pour
conséquences une vasoconstriction périphérique et donc une ischémie
des extrémités des membres à
l’origine de fourbures. D’autre part, la diffusion de bactéries
aura pour conséquence une
colonisation de divers organes, tels que le foie (formation d’abcès
hépatiques), ou les articulations
avec la formation d’arthrites.
En pratique, l’acidose chronique
est souvent accompagnée de signes cliniques frustres, qui
sont à rechercher sur l’ensemble
du troupeau. On note un appétit capricieux avec diminution
de l’ingestion, ainsi qu’une
baisse des performances zootechniques, et notamment des retards
de croissance. A long terme, une
détérioration de l’état général est observable, accompagnée
de complications telle que des
fourbures, le développement d’arthrites, ou encore la formation
d’abcès hépatiques .
.
*
Méthodes de prévention de l’acidose ruminale
Pour l’acidose aiguë étant évidemment d’interdire
l’accès des animaux au lieu de stockage des concentrés.
Concernant la prévention de l’acidose chronique,
La meilleure manière d’éviter
l’apparition d’acidose chronique est de distribuer une ration
équilibrée et adaptée à la
physiologie digestive des ruminants.
Cependant les objectifs de productivité
nécessitent de distribuer à certaines catégories d’animaux des régimes
trèsénergétiques et donc riches en concentrés, responsables d’une diminution
plus importante etsur une plus longue période du pH ruminal post ingestion. On
revient donc sur l’importanced’incorporer suffisamment de fibres dans la
ration, fibres devant être de taille suffisante pourfavoriser une bonne rumination
.
Le type d’aliment choisit comme
concentré peut aussi jouer un rôle dans la prévention de
l’acidose. Les céréales sont très
acidogènes car riches en amidon et plus pauvres en glucides
pariétaux.
L’orge et le blé représentent les
plantes les plus acidogènes, le maïs et le sorgho le
sont un peu moins. L’adjonction
de graines d’oléagineux, telles que le pois, la féverole, le
soja, le colza ou le lin, plus
riches en glucides pariétaux et plus pauvres en amidon, dans la
composition des aliments concentrés,
peut diminuer le pouvoir acidogène du concentré.
D’autre part, l’adjonction de
certaines graisses permet de diminuer la fermentation ruminale
de l’amidon par une agrégation
des lipides avec l’amidon, ce qui limite l’accès des bactéries
aux molécules d’amidon .
Enfin, lorsque des céréales sont
utilisées telles qu’elles, il est important de prendre garde à ce que lors du
traitement(broyage ou aplatissage), les particules obtenues ne soient pas trop
petites.
Il est conseillé d’avoir au minimum 50% de particules
de taille supérieure à un millimètre de diamètre.
En effet, plus les particules
sont fines, plus l’amidon contenu dans les graines est disponible
rapidement pour la digestion
ruminale, et donc plus la diminution du pH ruminal sera rapide
Il est à noter que la fréquence de distribution des concentrés
influe également sur le pH ruminal.
Des distributions multiples permettent de
limiter la chute post prandiale du
pH ruminal. Le pH minimal observé
est alors plus élevé qu’avec des distributions moins
nombreuses, en revanche le pH
moyen sur la journée est inférieur. Mais cela indique aussi que
le pH reste plus constant sur la
journée, ce qui permet une certaine adaptation de la flore
ruminale.
Pour des animaux à l’engrais,
l’idéal reste donc, comme cela est couramment
pratiqué, une mise à disposition ad
libitum des concentrés. Les animaux répartissent alors
d’eux même leur ingestion de
concentrés sur la journée afin de limiter les conséquences
digestives néfastes évoquées
précédemment .
Les périodes les plus à risque
pour le développement d’acidose au cours de l’engraissement
sont la mise à l’engrais et la
période de finition quand l’ingestion est très importante et que la
muqueuse ruminale est fragilisée
suite aux mois d’alimentation intensive.
Il est assez facile de jouer sur
la mise à l’engrais en réalisant une transition alimentaire
correcte.
En effet, les animaux passent
alors d’une alimentation riche en fourrages, et
partiellement lactée pour les
broutards, à une alimentation riche en concentrés très acidogène.
L’idéal est d’effectuer une
transition alimentaire sur deux à quatre semaines, pendant laquelle
la quantité de concentrés
distribués est augmentée régulièrement. Plus la transition se fait
progressivement sur une longue
période, moins la chute du pH ruminal est importante. Les
risques de développement
d’acidose sont donc moindres .
En ce qui concerne la finition,
seule une application rigoureuse des préconisations concernant
la composition de la ration et le
mode de distribution peut permettre de limiter les
conséquences néfastes sur l’appareil digestif des
animaux soumis à un régime intensif.